Avant de poursuivre la narration sur la fabrication de la cuisine, je souhaite faire un aparté sur la manière dont je l’ai conçue. Et tout particulièrement, revenir sur le point de départ de ma réflexion : qu’est ce qu’une cuisine ?
La réponse semble évidente et la plupart d’entre nous s’accordera à dire que c’est une pièce qui contient le nécessaire à la préparation de nourriture. Une cuisine ça sert à faire la cuisine, tout simplement ! Mais si nous nous interrogeons sur le rapport que chacun entretient avec la préparation de la nourriture, alors je prends le pari qu’aucune réponse ne fera consensus. A chacun sa manière de faire la cuisine.
En ce qui me concerne, j’éprouve peu de plaisir à cuisiner (les papilles délicates de mes proches en font parfois les frais…). Toutefois, l’espace de la cuisine est peut-être le seul endroit dans lequel je prends le temps de l’introspection. Lorsque j’épluche des légumes ou que je fais la vaisselle, mes mains sont occupées et je peux laisser mon esprit divaguer.
La cuisine est donc, pour moi, le lieu où je prends le temps de dérouler le fil de mes pensées et de suivre leur rythme. En concevant cet espace, je cherche à pousser ce curseur un cran plus loin, pour faire de ce lieu un appel à profiter davantage de l’instant présent.
Je conviens que cette démarche peut paraître abstraite. Elle est pourtant essentielle. Ma définition personnelle de la cuisine sera ma boussole lorsque je serai enlisé dans des considérations purement techniques, indispensables pour que la cuisine reste l’endroit où l’on prépare la nourriture. L’introspection c’est bien. L’introspection en mangeant une tartine, c’est mieux.
A ces considérations techniques s’ajoutent également des données pré-existantes (de géométrie et de flux) avec lesquelles il faut composer et qui sont autant de raisons supplémentaires d’avoir une boussole fiable pour guider les premiers coups de crayon.
Pour résumer, mon travail de conception consistera à faire cohabiter :
1 – des considérations d’usage :respecter la géométrie de l’espace en longueur (pièce de 2 m 20 de large par 3 m 90 de long) pour faciliter l’accès aux différents ustensiles, appareils et ingrédients nécessaires à la préparation du repas. Une cuisine, ça sert à faire la cuisine.
- participer à combler le manque d’espace de rangement qui fait défaut à l’appartement
- permettre de s’asseoir pour manger
2 – des considérations personnelles pour que la cuisine m’aide à profiter de l’instant présent :
- contempler la cime des arbres et des différents oiseaux qui y nichent
- profiter des rayons du soleil le matin et le midi
- dissimuler la chaudière (pas très feng shui les chaudières…)
Dès les premières esquisses, il m’apparaît évident de concentrer le mobilier sur le mur ouest de la cuisine . Cela permet de ne pas faire obstacle au passage de la lumière et de dissimuler la chaudière. Le croquis ci-dessus témoigne de l’inconvénient de meubles et modules de cuisine fixé sur le mur perpendiculaire à la fenêtre.
Une de mes intuitions a été de positionner le plan de travail face à la fenêtre, de manière à profiter au maximum de la vue (par exemple lors des moments d’épluchage de légumes/introspection si chers à mon cœur). En effet, voir la cime des arbres depuis le plan de travail participe, pour moi, à « l’appel à profiter de l’instant présent » tel que décrit plus haut.
Cependant, une rapide réflexion en plan m’a permis de réaliser que cette position du plan de travail allait à l’encontre de la logique longiligne de la pièce. En effet, en coupant la pièce en deux, cela aurait parfois demandé au cuisinier de contourner le plan de travail pour accéder au contenu du placard contre le mur de la fenêtre pour récupérer un ustensile ou un ingrédient.
Ce cas de figure me faisait sacrifier une considération d’usage (une cuisine, ça sert à faire la cuisine) pour permettre une considération personnelle (la vue sur les cimes des arbres). Chacune des deux étant cruciale à mes yeux, je me suis mis en quête d’une troisième piste capable de les concilier.
Dans l’état, cette dernière proposition est plus pragmatique et coche de manière quasi-scolaire toutes les considérations établies plus haut.
- respecter la géométrie de l’espace en longueur pour faciliter la préparation du repas
- participer à combler le manque d’espace de rangement qui fait défaut à l’appartement
- permettre de s’asseoir pour manger
- contempler la cime des arbres et des différents oiseaux qui y nichent
- profiter des rayons du soleil le matin et le midi
- dissimuler la chaudière
Cette configuration coche la quasi-totalité des cases mais je regrette tout de même qu’elle ne permette pas un espace privilégié permettant de s’exposer aux rayons du soleil. Toutefois, ce compromis me paraît acceptable. J’en profite pour glisser un merci à Hugo Janvier, avec qui j’ai eu l’occasion de discuter de la conception du projet et dont le regard aiguisé m’a aidé à prendre du recul.
L’esquisse en poche, il ne me manque plus que le lieu pour fabriquer cette cuisine. Vous vous souvenez du mystérieux mail ? C’est le moment de l’ouvrir !
Je vous en parle davantage par ici.