GÉNÉRALITÉS SUR LA CHAUX

Fabrication de la chaux

Quelle drôle d’idée de vouloir en apprendre plus sur la chaux… Mais soit, je vais vous transmettre quelques bases qui vous seront utiles dans de nombreuses situations. 

Précision : quand je dis “utile dans de nombreuses situations” je parle bien entendu dans un contexte de chantier de construction. Ce que vous lirez dans les prochaines lignes vous sera, par exemple, beaucoup moins utile pour séduire l’élu.e de votre coeur. 

Maintenant que vous savez à quoi vous attendre, débutons sans plus tarder.

La chaux s’obtient grâce au carbonate de calcium (de formule chimique CaCO3) contenu dans les roches calcaires, chauffé dans les chaufournier, entre 900 et 1100°C.

Ce processus, nommé calcination permet, la réaction chimique suivante.

[calcination] CaCO3 (s) → CaO (s) + CO2 (g)

Ne vous laissez pas effrayer par cette notation. C’est en réalité une manière un peu technique de décrire un phénomène simple : sous l’effet de la chaleur, les molécules présentes dans la roche calcaire (carbonate de calcium, de formule chimique CaCO3) dégagent du dioxyde de carbone (CO2) et se recomposent en chaux vive (ou oxyde de calcium, de formule chimique CaO).

Rien de sorcier, n’est-ce pas ? Alors poursuivons, la suite est encore plus simple.

En effet,  la chaux vive (ou l’oxyde de calcium, CaO), est utile pour un usage agricole, mais a peu d’intérêt pour la construction. Pour obtenir la chaux qui nous intéresse, il faut procéder à l’hydratation de la chaux vive (le terme d’extinction est également utilisé pour décrire ce phénomène).

[hydratation ou extinction] CaO + H2O → Ca(OH)2

En ajoutant de l’eau (H2O) à la chaux vive (CaO), on obtient de l’hydroxyde de calcium, Ca(OH)2 aussi appelé chaux hydraté ou chaux éteinte.

Mais avais-je besoin de le préciser ? Vous l’aviez compris par vous même je suis sûr !

Avec le temps, la chaux éteinte se combine avec le CO2 présent dans l’air ambiant. Cette réaction, appelée carbonatation, fait durcir la chaux. Dans ce cas, la chaux éteinte retrouve petit à petit sa forme de carbonate de calcium (ou calcaire pur) initiale. Allez, pour le plaisir je vous écris l’équation car je sais que vous y avez pris goût !

[carbonatation] Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 + H2O

Cycle de vie de la chaux © European Lime Association

Non, la chaux n’est pas neutre en carbone !

Le phénomène de carbonatation décrit ci-dessus s’étale sur des décennies, et n’est jamais complet. En effet, une analyse documentaire bibliographique de l’université du Politecnico di Milano montre qu’au bout de 100 ans, le taux de carbonatation d’un mortier de chaux est de 80 % (cela signifie que 80 % des molécules de chaux hydratée (Ca(OH)2) ont capté une molécule de CO2).

[N.B. : ce taux chute drastiquement si la chaux est mélangée avec du ciment. Pour cette raison, et pour des raisons de “perméance” explicitées ici, nous ne pouvons que vous conseiller de proscrire, autant que possible, l’usage du ciment de votre chantier].

Ainsi, si l’on considère un enduit à la chaux d’une durée de vie de 100 ans, 1 kg de chaux utilisée engendre nécessairement l’émission de 0,1 kg de CO2.Pour les curieuses et les curieux, le détail du calcul qui amène à ce résultat est donné quelques paragraphes plus loin.

Pour celles et ceux dont les cours de physique-chimie sont un souvenir douloureux, vous n’aurez pas besoin de savoir cela pour réussir votre mortier à la chaux. Passez donc votre chemin sans crainte, personne ne vous juge et puis c’était la faute du prof de toute façon !

Aux émissions chimique de CO2, il faut également ajouter les émissions (non négligeables) liées à l’énergie dépensée pour prélever le calcaire, l’acheminer jusqu’à l’usine et surtout le chauffer à plus de 900°C. Ainsi, si une personne vous vend une chaux neutre en carbone, fuyez-la : vous avez à faire à un charlatan !

Calcul de l’émission de CO2 d’1 kg de chaux utilisée dans un enduit qui restera en place pendant 100 ans

Pour rappel, la réaction qui émet du CO2 par transformation chimique des molécule est la calcination du carbonate de calcium contenu dans les roches calcaire, pour l’obtention de la chaux vive.

[calcination] CaCO3 (s) → CaO (s) + CO2 (g)

Représentation du carbone, oxygène et calcium dans le tableau périodique des éléments © Croisée d'Arches

A partir des masses atomique du carbone (12) de l’oxygène (16) il est rapide d’obtenir, par addition, la masse d’une molécule de dioxyde de carbone (CO2) : 44.

Or, pour la construction de bâtiment, ce n’est pas la chaux vive mais la chaux éteinte qui nous intéresse. Pour rappel, la chaux éteinte s’obtient par l’hydratation de la chaux vive.

[hydratation] CaO + H2O → Ca(OH)2

De la même manière que précédemment, en ajoutant en bonne proportion les masses atomique du calcium (40), de l’oxygène (16) et de l’hydrogène (1), nous obtenons la masse d’une molécule d’hydroxyde de calcium, ou chaux hydratée (Ca(OH)2) : 74.

Ainsi, par proportionnalité, produire 1 kg de chaux éteinte génère 600 g de CO2.

Ça va ? Vous suivez ? Encore un peu de courage, nous avons fait la moitié du chemin.

A présent, revenons à notre enduit. Nous considérons que cet enduit a été fait par des personnes ayant lu cet article sur la mise en oeuvre de l’enduit de mortier à la chaux. De fait, nous pouvons affirmer que l’ouvrage réalisé est de (très) bonne facture et n’aura aucun mal à atteindre une durée de vie de 100 ans.

D’après l’étude du Politecnico di Milano citée ci-dessus, dans ce cas de figure, 80 % des molécules de chaux hydratée (Ca(OH)2) auront capté une molécule de CO2 sur leur 100 années d’existence. Pour rappel, le phénomène qui permet à la chaux de retrouver sa forme calcaire primaire en captant des mollécules de CO2 s’appelle la carbonatation.

[carbonatation] Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 + H2O

Ainsi, sur les 600 g de CO2 émis par réaction chimique lors de la fabrication de la chaux hydratée, 80 % sont recaptés par l’enduit, au bout de 100 ans. En d’autres termes, 20 % des 600 g de CO2 ne seront pas récupérés. Dans notre cas, 1 kg de chaux vive engendre nécessairement l’émission de 0,1 kg de CO2. Encore une fois, cette émission de CO2 est purement chimique. Même avec l’énergie la plus verte qui soit pour chauffer la roche calcaire, ce dégagement de CO2 aurait lieu.

Types de chaux

Nous ne parlerons ici que des chaux hydratées (parfois nommée chaux éteinte), obtenues par l’hydratation (ou l’extinction) de chaux vives.

Parmi les chaux hydratées, nous distinguons deux familles : les chaux aériennes et les chaux hydrauliques qui se distinguent par les quantités d’argile qu’elles contiennent. Plus il y a d’argile dans la chaux, plus sa résistance mécanique augmente (au détriment de sa perspirance et de sa souplesse.

1) les chaux aériennes présentent une forte teneur en hydroxyde de calcium (Ca(OH)2) pour une faible teneur en argile et sont les chaux les plus pures. Elles ne durcissent QUE sous l’effet du dioxyde de carbone présent dans l’air (carbonatation). Elles ne durcissent pas au contact de l’eau. Notez que l’on distingue deux types de chaux aérienne : les dolomitiques (DL) et les calciques (CL). Si l’origine du calcaire qui permet leur fabrication est différent, leurs propriétés sont sensiblement identiques.

2) les chaux hydrauliques elle contiennent davantage d’argile et de silice que les chaux aériennes. De fait, elles durcissent au contact de l’eau en plus de durcir sous l’effet du dioxyde de carbone. Les chaux hydrauliques ont une perméance moins importante que les chaux aériennes (mais sont suffisantes pour le bâti ancien). Elles peuvent être d’origine :

  1. naturelles, décrites sous l’acronyme NHL (Natural Hydraulic Lime). Dans le commerce, elles se trouvent sous 3 formes : NHL 2, NHL 3.5 et NHL 5. Afin d’en augmenter la résistance, des matériaux hydrauliques ou pouzzolaniques sont ajoutés, en quantité inférieure à 20 %. De telles chaux sont dites NHL-Z.
  2. artificielles qui résulte de la fabrication de la chaux par assemblage en usine de ses éléments constitutifs.

Schéma bilan des type de chaux © Croisée d'Arches

Informations pratiques

La densité des chaux NHL est de 0,8 kg/L.

Densité chaux hydraulique NHL 3,5 = 650 kg/m³

Date de fabrication se lit sur le côté du sac : année/nombre de jour écoulés depuis le début de l’année

Conservation de la chaux : 1 an maximum après sa fabrication, dans à l’abri dans un endroit sec

Les références utilisées pour documenter cet article

LABESSE, O. (2006). Précis d’utilisation de chaux naturelle. p.12, 15

GROSSO M. et al. (2020). Revue de la littérature sur l’évaluation du potentiel de carbonatation de la chaux sur différents marchés et au delà. Rapport préparé par le groupe de recherche Assessment on Waste and Resources (AWARE) du Politecnico di Milano (PoliMI), pour la European Lime Association (EuLA). Pp. 333.

PHILIPPON et al. Ouvrage en maçonnerie. Ministère de la culture. 2006.

  • 6.1.1 Définitions et qualités des matériaux constituant les mortiers : Liants : Chaux. p.27

  • 19.3 annexes : exemple de dosage des liants pour mortiers. p.114

TREUSSART, Mémoires sur les mortiers hydrauliques, 1829. p. 4

NF DTU 26.1 P1-2 Travaux d’enduits de mortiers (3. Liants). p.8

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *